Le débat de ce mardi soir, qui sera diffusé sur CNews et BFMTV, était une opportunité pour les six «petits» candidats. Ont-ils rempli leurs objectifs ?
Nathalie Arthaud: discourir pendant 17 minutes
Mardi matin, Nathalie Arthaud se réjouissait de ce rendez-vous médiatique: «C'est la première fois qu'on sera sur un pied d'égalité». La candidate de Lutte ouvrière (LO) misait sur le temps de parole pour s'adresser «aux travailleuses, aux travailleurs, aux chômeurs (…) aux exploités du grand capital». Mardi matin, la journaliste Caroline Roux lui a posé la question: «Ce sera un débat? Ou un discours de 17 minutes de Nathalie Arthaud?», et la candidate s'est esclaffé: «Je compte m'adresser aux travailleuses, aux travailleurs en leur disant “Ne vous laissez pas abuser par les beaux parleurs. 17 minutes c'est peu pour tout ce que j'ai à dire”». Un discours, donc. L'objectif: une synthèse de son programme marxiste pour «éveiller les consciences».
Bilan: Durant le débat, Nathalie Arthaud est apparue pugnace, parfois à la limite de la hargne. La candidate communiste s'est effectivement cantonnée à la dénonciation du «grand capital» qui a servi de réponse à beaucoup de questions. Elle n'a pas pour autant épargné ses adversaires. La candidate s'est adressée directement à François Fillon: «Vous avez admis des erreurs, mais pour moins que ça, les gens sont mis à la porte» ainsi qu'à Marine Le Pen: «La laïcité de Mme Le Pen, c'est un paravent, une façon d'avancer sur votre racisme, votre xénophobie».
François Asselineau: apparaître comme le seul candidat de la sortie de l'UE
Le candidat de l'UPR avait protesté, en mars, contre le débat à cinq de TF1, appelant les candidats invités à ne pas y aller. Le candidat autoproclamé «ni droite-ni gauche» participe à sa première campagne présidentielle. Très corrosif sur les dossiers qui lui importent particulièrement (la sortie de l'UE, de l'euro, de l'OTAN), le candidat devait se montrer incisif avec ceux qui marchent sur ses plates-bandes (Mélenchon, Marine Le Pen et Cheminade). Son défi consistait à diffuser plus largement ses idées, encore cantonnées à la sphère restreinte de ses fervents soutiens.
Bilan: Fidèle à son intention, François Asselineau a dénoncé l'affaiblissement du «rayonnement de la France dans le monde». Puis, il a accusé Marine Le Pen d'avoir des propositions «qui changent tout le temps» sur l'euro.» Il a tâché de se distinguer du reste des eurosceptiques en affirmant: «sur les onze candidats, il y en a dix qui approuvent le principe de la construction européenne. (...) Moi, je propose de faire sereinement, juridiquement, la sortie de l'Union européenne par l'article 50». Sa conclusion a été: «Je suis le seul qui vous propose d'entamer la sortie de la France de l'Union européenne, de la France, de l'euro. N'ayez pas peur». Un brin doctoral, il n'a eu de cesse de montrer qu'il connaissait sur le bout des doigts chaque alinéa de chaque article de la Constitution.
Jacques Cheminade: exprimer sa colère et cibler Emmanuel Macron
Candidat pour la troisième fois et désireux de se défaire de son image loufoque, Jacques Cheminade voulait exprimer «sa colère», mardi soir. Le candidat s'est dit très remonté. Contre «le monde de l'argent», contre l'euro («vice de l'Europe»), mais aussi contre le peu de temps de parole accordé à chaque candidat. «Énarque dissident», «gaulliste de gauche» d'après son profil Twitter, Jacques Cheminade avait été reçu par Emmanuel Macron lorsque celui-ci était encore conseiller du président. Jacques Cheminade s'était entretenu avec lui de la nécessité d'une «séparation bancaire» mais, dit-il, Emmanuel Macron «a dit oui, puis il s'est dégonflé». Ce débat devait être l'occasion pour le candidat de se confrontrer à l'ex-ministre de l'Économie.
Bilan: Il a entamé son temps de parole par un «Je suis un homme en colère» mais s'est ensuite quelque peu assoupi. «Allez M. Cheminade, lancez-vous!», lui a lancé l'une des journalistes aux environs de 22 heures. Si l'on excepte le moment où il a qualifié les autres participants de «grandes gueules», Jacques Cheminade est resté bien timoré. Il est cependant parvenu à s'affranchir -en partie- de son étiquette de candidat extravagant en expliquant son projet de «crédit productif». Quant à son animosité vis-à-vis d'Emmanuel Macron, elle semblait s'être évaporée dans les coulisses.
Nicolas Dupont-Aignan: se hisser au niveau des «grands»
Bilan: L'un des moments «forts» de ce débat a été le vif échange entre François Fillon et Nicolas Dupont-Aignan. Alors que le premier exposait sa vision économique européenne, il s'est fait interrompre par le député de Debout la France: «Franchement, qui peut vous croire? Moi, je n'ai pas trahi mes idéaux. (…) Comment croire le premier ministre qui a bafoué le sort des Français, alors que le traité de Lisbonne a été le viol du peuple?»
Jean Lassalle: faire en sorte que la campagne «démarre» enfin
Mardi matin, le député centriste, ex-proche de François Bayrou a confié attendre de ce débat que «la campagne démarre». Il s'est dit en mesure de convaincre «tout simplement en parlant pendant les 17 minutes auxquelles j'ai le droit». Le béarnais a pesté quelques heures avant le débat contre le titre de «petit candidat» attribué à ceux qui n'atteignent pas le score à deux chiffres dans les sondages. «Les “petits”, les “minuscules”, qui vont venir troubler le jeu des “immenses”. Moi je me mets à genoux tous les matins en les regardant les “immenses” tellement ils sont beaux» a-t-il ironisé. Pour ce soir, il a assuré: «Je ne cherche pas à faire des coups». Son équipe a indiqué au Figaro que le candidat n'a «pas prévu de s'en prendre à tel ou tel candidat» et que le temps disponible sera consacré «aux propositions».
Bilan: Pendant la soirée, Jean Lassalle a introduit chacune de ses interventions par cette formule «mes chers compatriotes». Son programme a fini par sortir en urgence et en catimini, mardi matin, et sur le plateau, il a surtout brillé par la théâtralité de son discours. Il a pompeusement refusé l'idée de tout «Frexit», par respect pour la mémoire de «ces peuples qui se sont saignés jusqu'au sang». Il a accompagné ses phrases de grands geste, serrant le poing et balançant le bras sous les rires d'un François Asselineau ou d'un Emmanuel Macron. Sur Twitter, Jean Lassalle a conclu le débat d'un laconique «voilà». Cela dit, il a été le candidat dont le nom a été le plus recherché sur Google durant l'émission.